2017/12/14

la multiplication du nombre de radars-tirelire : une augmentation exponentielle des infractions par grignotage, celles des « bons pères de famille »


L'information révélée par Le Point selon laquelle le gouvernement s'apprête à annoncer en janvier la baisse de la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes bidirectionnelles ne fait pas que des heureux
écrit Jacques Chevalier.
Bien que consultées au travers des travaux du Comité national de sécurité routière (CNSR) et qui, dans ce cadre, n'en a pas entendu parler, les associations comme la Ligue de défense des conducteurs ou 40 millions d'automobilistes craignent en effet que l'expérience menée depuis deux ans sur 81 kilomètres de nationales ne soit étendue à l'ensemble du territoire.

40 millions d'automobilistes, émanation des automobile-clubs, estime pour sa part que « la menace est bien réelle pour les automobilistes et qu'une telle mesure ne permettrait en aucun cas d'améliorer la sécurité routière. » Elle a aussitôt lancé une pétition en ligne (www.nonalabaissedeslimitationsdevitesse.fr) pour que chacun se mobilise sur une mesure qu'elle estime totalement inappropriée. Et, en déroulant de solides arguments, elle s'appuie aussi sur l'état de l'opinion en citant plusieurs sondages.

« À la question : Faut-il réduire la limitation de vitesse sur le réseau routier ? posée par Le Parisien en avril 2015, les Français avaient répondu non à 74 % ! » rappelle Daniel Quéro, président de 40 millions d'automobilistes. Un résultat à peu près concordant avec le sondage effectué le 1er décembre par Le Point après la révélation de la mesure où à la question « Le passage à 80 km/h des routes sans séparation physique peut-il réduire le nombre d'accidents ? », 63,3 % des lecteurs du Point ont répondu « non » pour 36,7 % de « oui ». Et cela sur un total de 33 353 avis exprimés qui ne souffre pas de discussion.

Mais peu importe les sondages lorsque l'objectif assigné par le gouvernement précédent est d'abaisser le nombre de morts à 2 000 en 2020 (3 477 en 2016). Repris à son compte par l'actuel Premier ministre Édouard Philippe, dont dépend directement le dossier, la solution consiste à apporter un tour d'écrou supplémentaire à une politique routière quelque peu binaire. Entre formation des conducteurs et répression, les politiques ont choisi et, puisqu'ils sont nuls au volant, ce sera donc 80 km/h demain en attendant la voiture autonome. Sauf peut-être si les associations parviennent à mobiliser largement contre, s'il est encore temps. La Ligue de Défense des Conducteurs le croit car elle avait déjà, précédemment, réussi à atteindre 1,5 million signatures et la relance pour attiendre "1,8 ou même 2 millions de signatures à notre pétition", en diffusant le lien vers sa pétition. Pourquoi autant de mécontentement ? Il y a plusieurs bonnes raisons à cela.

80 demain, pourquoi pas 70 ou 50 après-demain

Certains experts demandent déjà une baisse à 70 km/h et ils ont tort car si c'est le risque zéro qu'il faut viser, c'est 7 km/h qu'il faut décréter. Cette allure est celle où un passager non attaché – il a tort – peut déjà subir des séquelles graves, comme une personne chutant d'un vélo ou dans un escalier. Tous les progrès de l'automobile ramenés à cela seraient évidemment totalement inconséquents.
Un axe majeur de la sécurité routière

C'est pourtant ce raisonnement de baisse du risque mortel qui préside aujourd'hui à l'érosion des allures sur route. L'idée selon laquelle réduire la vitesse maximale autorisée sur les routes secondaires pourrait améliorer la sécurité des usagers n'est pas nouvelle : en 2013 rappelle Daniel Quéro, Manuel Valls – alors ministre de l'Intérieur – annonçait déjà une « baisse inéluctable des limitations de vitesse », qui permettrait de « sauver 450 vies ». Sur la foi de quoi, nul ne le sait.

Une expérience faussée

Pour étayer la mesure du 80 km/h, une expérience de deux ans portant sur 81 km de nationales sélectionnées s'est achevée en juillet dernier. Nul n'en connaît encore les résultats, mais ils sont de toute façon peu crédibles. « En effet, dénonce Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes, le gouvernement a tout mis en œuvre pour que l'expérimentation soit des plus probantes : en plus de l'abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h, de lourds travaux de rénovation de la chaussée et l'installation de glissières de sécurité ont complété le dispositif. De quoi fausser la comparaison avec la situation initiale et faire triompher les lobbies anti-voiture qui poussent la mesure depuis des années. »

Des résultats masqués

Le ministre de l'Intérieur de l'époque, Bernard Cazeneuve, avait déclaré que « l'expérimentation sera transparente, honnête et rigoureuse », ce qui rend d'autant plus suspect le secret qui entoure le bilan. « Quoi qu'il en soit, ce silence n'est pas tolérable, les Français doivent avoir accès aux résultats de l'étude, sans quoi toute annonce gouvernementale est inacceptable », assène Pierre Chasseray. À sa demande, celle-ci sera reçue le 12 décembre prochain par le préfet de la Haute-Saône pour communication des résultats de l'expérimentation.

Ce véritable tour d'écrou supplémentaire, associé à la multiplication du nombre de radars-tirelire et à la privatisation des radars embarqués voulue par le gouvernement (également en expérimentation en Normandie depuis septembre 2017) laisse craindre une augmentation exponentielle des infractions par grignotage, celles des « bons pères de famille ». Pour quelques kilomètres-heure de trop, et à la différence des vrais délinquants du volant sur lesquels on n'a pas prise, ceux-là sont solvables et c'est bien ce qui importe. Et à 80 km/h, la moisson s'annonce généreuse.

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